Avis de l’Autorité Fédérale de Concurrence autrichienne sur différents obligations et mesures imposées par les fournisseurs aux concessionnaires automobiles pouvant être qualifiées d’abusives.
par Cécile Staudt
15-11-2016

Avis de l’Autorité Fédérale de Concurrence autrichienne sur différents obligations et mesures imposées par les fournisseurs aux concessionnaires automobiles pouvant être qualifiées d’abusives.

Fin 2016, l’Autorité Fédérale de Concurrence autrichienne a rendu un avis dans le domaine de la distribution automobile. Elle s’est en effet prononcée sur la qualification, au regard du droit de la concurrence, de diverses obligations, mesures ou dispositions contractuelles imposées par les fournisseurs et importateurs, qui influencent les coûts ou les perspectives de rentabilité des concessionnaires, empêchant ou rendant parfois impossible leur croissance économique.

Afin de déterminer si l’attitude des fournisseurs pouvait être qualifiée d’abus de position dominante, l’Autorité a d’abord défini le « marché pertinent ». Elle a, à cet égard, rappelé une décision de la Cour suprême autrichienne de 1993 qui avait insisté sur le fait que les besoins d’un concessionnaire d’une marque particulière ne peuvent être couverts que par un seul importateur, celui de la marque pertinente, de telle sorte qu’un changement de la marque induit des désavantages commerciaux considérables.

L’Autorité a relevé que le degré de dépendance des distributeurs dans le secteur automobile semblait avoir tendance à augmenter depuis 1993.

L’Autorité a ensuite rappelé l’interdiction pour une entreprise en position dominante d’en abuser, un tel abus pouvant notamment consister en l’imposition d’un prix ou de conditions commerciales qui diffèrent de ceux qui résulteraient d’une concurrence effective. Tel pourrait être le cas de conditions contractuelles non justifiées, telles que des obligations inutiles pour atteindre un objectif légitime en soi ou restreignant exagérément la liberté du cocontractant.

A propos des exigences de l’importateur relatives à l’architecture, les équipements et installations des salles d’exposition, l’atelier, etc…, l’Autorité a souligné les différents intérêts en présence, à savoir l’intérêt légitime de l’importateur à une image uniforme de sa marque et les intérêts économiques des concessionnaires.

L’Autorité a estimé que certains cas, les prescriptions de l’importateur pouvaient se révéler abusives, par exemple:

  • quand le cycle d’investissements requis diffère manifestement de la période d’amortissement habituelle pour le bien concerné,
  • quand le montant requis de l’investissement est manifestement disproportionné par rapport au potentiel de revenus et de bénéfices de l’entreprise,
  • quand les demandes d’investissements sont économiquement déraisonnables ou injustifiées,
  • en cas d’engagement, pour certains biens ou services, de s’approvisionner auprès de certaines sources déterminées, en particulier en l’absence de comparaison avec des tiers.

A cet égard, l’Autorité a par ailleurs relevé que l’entreprise dominante qui exploite sa position dans un domaine ne peut imposer à ses client des prestations supplémentaires dont ils ne veulent pas ou qu’ils pourraient obtenir auprès de tiers à de meilleures conditions. Un abus pourrait résulter du fait que le fournisseur lie au contrat principal l’achat de biens ou de prestations tels que du carrelage, des tapis, des meubles, des panneaux, des services de conception, etc… qui n’ont aucun lien matériel avec les prestations principales du contrat.

En ce qui concerne la rémunération des prestations exécutées dans le cadre des garanties, l’Autorité de la Concurrence a souligné d’une part, l’intérêt des fournisseurs à ce qu’il existe une rémunération unifiée pour ces prestations, ainsi qu’un processus permettant de réduire les frais d’administration et de protéger le fournisseur contre des prétentions injustifiées, et d’autre part, l’intérêt des ateliers autorisés à ne pas assurer l’exécution des travaux à perte. Sur cette question, l’Autorité a considéré comme abusifs :

  • les délais de livraisons et autres fixés systématiquement,
  • le non-paiement systématique du temps passé pour la préparation et le suivi (dépannage, essais routiers, etc…),
  • le non-paiement systématique des frais généraux nécessaires au maintien de l’exploitation d’un atelier de réparation de voitures ou d’un dépôt de pièces de rechanges,
  • l’existence de formalités permettant de refuser le paiement des prestations exécutées.

Enfin, l’Autorité de la Concurrence a examiné la question des éléments variables de la marge, en particulier en ce qui concerne la rémunération de la satisfactions des clients. L’Autorité a ici souligné d’une part, l’intérêt du fournisseur à encourager le bon traitement des clients et, d’autre part, l’intérêt des distributeurs à ce que les évaluations soient réalisées dans le cadre d’un système objectif, équitable, transparent et compréhensible.

L’Autorité a encore examiné ces comportements au regard de la loi fédérale autrichienne relative à l’amélioration de l’approvisionnement local et des conditions de concurrence.

Cette décision de l’Autorité de la concurrence autrichienne présente un intérêt certain. Elle aborde différentes question qui se posent de manière récurrente dans le secteur automobile. Les distributeurs, concessionnaires ou agents, se trouvent en effet fréquemment « coincés » dans une situation dans laquelle ils doivent répondre à de nombreuses exigences et se voient imposer de très lourdes obligations, avec des conséquences financières souvent disproportionnées qui obèrent leur situation et leur développement.

Cécile Staudt