Tribunaux compétents en cas de dommages causés par des ventes sur internet illicites
par Cécile Staudt
02-01-2017

Tribunaux compétents en cas de dommages causés par des ventes sur internet illicites

Dans un arrêt du 21 décembre 2016 (C‑618/15, Concurrence SARL contre Samsung Electronics France SAS et Amazon Services Europe Sàrl), la Cour de justice de l’Union Européenne s’est prononcée sur une question préjudicielle qui lui avait été posée par la Cour de cassation de France.

Cette question concernait l’article 5.3 du Règlement n° 44/2001 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale (aujourd’hui remplacé par le Règlement n° 1215/2012). Selon cet article « une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat Membre peut être attraite dans un autre Etat Membre : (…) 3) en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

En l’espèce un distributeur agréé, faisant partie d’un réseau de distribution sélective, s’estimait lésé par des reventes faites par d’autres distributeurs en dehors du réseau de distribution, au moyen de ventes en ligne sur plusieurs sites internet exploités dans différents Etats Membres, alors que ces reventes étaient en principe interdites par le contrat. La question se posait de savoir si les juridictions de l’état du distributeur qui se prétendait lésé pouvaient se reconnaitre compétentes alors que les sites internet via lesquels les produits étaient revendus opéraient dans d’autre Etat Membre.

La Cour a d’abord rappelé que les termes « lieu où le fait dommage s’est produit ou risque de se produire » figurant dans l’article 5.3 du Règlement 44/2001 visaient à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage. L’identification de l’un de ces points de rattachement doit permettre d’établir la compétence de la juridiction objectivement la mieux placée pour apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité de la personne attraite sont réunis.

La Cour a estimé qu’en l’espèce :

  • La violation de l’interdiction de revente hors réseau était sanctionnée par le droit de l’Etat Membre de la juridiction saisie, si bien qu’il existait un lien naturel entre cette juridiction et le litige au principal ;
  • C’est sur le territoire de cet Etat Membre que le dommage allégué se matérialisait. La Cour souligna en effet qu’en cas de violation, par l’intermédiaire d’un site internet, des conditions d’un réseau de distribution sélective, le dommage qu’un distributeur peut faire valoir est la réduction du volume de ses ventes en conséquence de celles réalisées en violation des conditions du réseau et la perte de profits qui s’en suit.

Le juge du pays du pays du distributeur, soit, en l’espèce, le juge français, était donc bien compétent. La Cour répond ainsi à la question préjudicielle que « l’article 5.3 du Règlement n° 44/2001 doit être interprété, aux fins d’attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître une action en responsabilité pour violation de l’interdiction de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective résultant de l’offre, sur des sites internet opérant dans différents Etats Membres, de produits faisant l’objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’Etat Membre qui protège ladite interdiction de vente aux moyens de l’action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes ».

Pour le texte intégral de l’arrêt : http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d5d64f42be1dda41be9d53a7e2acd4707c.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxyKbx10?text=&docid=186487&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=577590

Cécile Staudt