Réforme du Code civil belge: de nouvelles dispositions permettant d’améliorer la protection des distributeurs ?
par Cécile Staudt
04-01-2018

Réforme du Code civil belge: de nouvelles dispositions permettant d’améliorer la protection des distributeurs ?

Le droit est en constante évolution. Une réforme du code civil, qui constitue le fondement de notre ordre social, est en cours. En effet, ce code existe depuis 1804 et il n’est, à différents égards, plus tout à fait adapté à la société. Des groupes d’experts ont ainsi été chargés d’établir des propositions de réformes par sujets. Certaines ont été rendues publiques au cours de ce mois de décembre 2017 afin d’offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent de réagir.

L’objectif n’est pas ici d’examiner ces différentes propositions dans le détail mais uniquement de relever, dans la proposition relative au droit des obligations, une modification qui pourrait revêtir une certaine importance pour les parties à un contrat de distribution commerciale en général et pour les parties à un contrat de franchise en particulier.

Le livre VI du nouveau code, consacré au droit des obligations, cherche, selon l’exposé des motifs, « à réaliser un nouvel équilibre entre l’autonomie de la volonté des parties et le rôle du juge en tant que gardien des intérêts de la partie faible et de l’intérêt général. Sur certains points, l’autonomie de la volonté est renforcée (par exemple, pour l’annulation et la résolution du contrat qui pourront être opérées par voie de notification). Sur d’autres points, le juge se verra investi de pouvoirs lui permettant de corriger des situations de déséquilibre contractuel (par exemple, lorsque l’économie du contrat est bouleversée à la suite de circonstances imprévisibles – la théorie de l’imprévision – ou lorsque les prestations réciproques sont, dès le départ, affectées d’une disproportion manifeste par suite d’un abus par une partie de la position d’infériorité de son cocontractant – l’abus de circonstances -) ».

Ainsi, « l’abus de circonstances » est introduit à côté des autres vices de consentement existants.

L’article 41 de l’avant-projet de loi portant insertion du Livre VI prévoit : « il y a abus de circonstances lorsque, lors de la conclusion du contrat, il existe un déséquilibre manifeste entre les prestations par suite de l’abus par l’une des parties de circonstances liées à la position de faiblesse de l’autre partie. En ce cas, la victime peut prétendre à l’adaptation de son obligation par le juge et, si l’abus est déterminant, à la nullité relative. »

Selon l’exposé des motifs, cette disposition à portée générale a été élaborée pour les situations où un contrat présente, dès le début, un déséquilibre manifeste par suite de l’abus par l’une des parties de l’infériorité de l’autre partie ou par suite de l’abus de position de force. Pour que cette disposition s’applique, il faut qu’il existe une disproportion manifeste entre les prestations stipulées entre les parties ainsi qu’un abus des circonstances concrètes d’infériorité dans lesquelles la victime se trouvait au moment de la conclusion du contrat, ce qui a permis au cocontractant de s’arroger un avantage.

L’exposé des motifs précise par ailleurs que « les circonstances d’infériorité visées peuvent découler tant de caractéristiques personnelles, comme l’état de nécessité physique, moral ou financier, les faiblesses, l’ignorance ou l’inexpérience de la victime que de circonstances de supériorité économiques ou fonctionnelles dans le chef de la partie commettant l’abus qui se trouvent, par exemple, dans une position de monopole ou de force ». Il faut par ailleurs qu’il existe un lien de causalité entre l’abus et le déséquilibre manifeste.

L’existence d’un vice de consentement permet tout d’abord en général de solliciter la nullité du contrat. La sanction de nullité ne peut être invoquée que par la partie protégée, c’est-à-dire en l’espèce la partie lésée, qui peut également confirmer le contrat non valable.

Par ailleurs, la personne qui abuse des circonstances afin de léser l’autre partie commet une faute et engage ainsi sa responsabilité précontractuelle. La victime du vice de consentement peut ainsi demander, outre l’annulation du contrat ou à la place de l’annulation, la réparation de son préjudice.

L’article 41 ajoute par ailleurs une sanction à ces sanctions classiques. En effet, une victime tire souvent avantage au maintien du contrat moyennant une adaptation de sa prestation. En l’espèce, si l’abus de circonstances n’était pas déterminant pour la conclusion du contrat, le juge peut, à titre de réparation du dommage de la victime, adapter la prestation que la victime a promis d’exécuter.

Bien que ce nouvel article vise des circonstances qui peuvent à l’heure actuelle être sanctionnées par le vice de « lésion qualifiée » développé par la jurisprudence, il n’en reste pas moins que l’introduction de cette nouvelle disposition spécifique dans le code civil, si elle est adoptée, pourrait avoir une influence considérable dans le secteur de la distribution. On constate en effet à l’heure actuelle que les contrats rédigés par les marques (qu’elles agissent en tant que concédant, commettant, franchiseur, etc…) ont tendance à être de plus en plus longs et de plus en plus déséquilibrés. Il n’est ainsi pas rare de constater que plusieurs pages sont consacrées aux obligations du distributeur, qui ne dispose par contre de quasiment aucun droit. Il en va de même des éventuelles clauses résolutoires permettant aux grands groupes de mettre fin au contrat dans un nombre très important de circonstances alors que quasiment aucune clause résolutoire n’est prévue en faveur des distributeurs.

L’avenir nous dira si cette disposition, lorsqu’elle sera adoptée, permettra dans les faits de corriger ces situations de déséquilibres.

Plus d’informations sur cette réforme sont disponibles sur : https://justice.belgium.be/fr/bwcc

Cécile Staudt