La Commission européenne sanctionne BMW et le groupe Volkswagen pour entente illégale sur les systèmes de dépollution
par Patrick Kileste et Manon De Neubourg
04-01-2022

La Commission européenne sanctionne BMW et le groupe Volkswagen pour entente illégale sur les systèmes de dépollution

La Commission européenne a publié, ce vendredi 12 novembre 2021, la décision du 8 juillet 2021 par laquelle elle inflige une amende de 875 millions d’euros à BMW et au groupe Volkswagen (Volkswagen, Audi et Porsche) pour avoir restreint la concurrence dans les systèmes d’épuration de gaz d’échappement de voitures diesel. Le constructeur automobile Daimler (Mercedes) a également participé à l’entente restrictive de concurrence mais n’a pas été sanctionné car il fut le premier à dénoncer cette pratique. Les parties ont reconnu leur participation à l'entente et ont accepté de régler l'affaire par transaction.

Un tel comportement anticoncurrentiel constitue une infraction par objet sous forme de limitation du développement technique, expressément visée à l'article 101, paragraphe 1, point b), du TFUE et à l'article 53, paragraphe 1, point b), de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE).

Résumé de l’infraction

Les faits sont émargements connus et ont déjà abouti à diverses sanctions à l’égard des entreprises contrevenantes ou, dans certains cas, de leurs dirigeants.

En l’espèce, les constructeurs automobiles se sont concertés pendant plus de 5 ans, précisément du 25 juin 2009 au 1er octobre 2014, afin de discuter du développement de la technologie de réduction catalytique sélective (SCR) qui élimine les émissions nocives d’oxyde d’azote (Nox) des gaz d’échappement des voitures à moteur diesel par l’injection d’urée (« Adblue »).

Les groupes automobiles disposaient de la technologie nécessaire pour réduire les émissions nocives et donc pour rendre les voitures moins polluantes, au-delà de ce qui était exigé par les normes européennes. Ils ont néanmoins convenu, au cours de réunions techniques, d’éviter de se faire concurrence en ne mettant pas en œuvre tout le potentiel de cette technologie pour aller plus loin que le niveau d’épuration légalement prescrit.

Plus particulièrement, Daimler, BMW, Volkswagen et ses filiales Porsche et Audi se sont entendues sur les tailles et les gammes de réservoirs d’Adblue ainsi que sur la consommation moyenne présumée d’Adblue dans l’EEE. De plus, les constructeurs automobiles ont échangé des informations sensibles quant à ces éléments.

Par la mise en œuvre de ces pratiques, les constructeurs automobiles ont restreint la concurrence sur des caractéristiques du produit importantes pour les consommateurs.

Amendes

La Commission a fixé le montant des amendes sur base des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006[1].

 

Afin de fixer le niveau des amendes, la Commission a tenu compte de la valeur des ventes des parties de voitures à moteur diesel équipées de systèmes SRC dans l’EEE en 2013 (qui correspond à la dernière année complète de l’infraction), de la gravité de l’infraction ainsi que de sa portée géographique.

 

La Commission a ensuite appliqué une réduction d’amende de 20% car il s’agit de la première décision d’interdiction des ententes fondées uniquement sur une restriction du développement technique et non sur la fixation de prix ou de partage de marché.

 

Elle a également appliqué une réduction de 10% des amendes car les parties ont accepté de transiger et ont ainsi reconnu leur participation à l’entente et leur responsabilité.

 

La Commission a dès lors condamné le groupe Volkswagen à une amende d’un montant de 502.362 millions d’euros et BMW à une amende d’un montant de 372.827 millions d’euros.

 

Néanmoins, Daimler qui a également participé à cette entente a échappé à toute sanction étant la première entreprise à dénoncer cette infraction aux autorités de la concurrence et à fournir des renseignements et éléments de preuve. L’entreprise évite ainsi une amende globale d’environ 727 millions d’euros.

 

En effet, la Commission lui a fait bénéficier de l’immunité d’amendes en vertu du principe de clémence[2]. Ce principe de clémence a pour objectif d’inciter les participants à une entente illicite de la dénoncer, en contrepartie de quoi, la première partie dénonciatrice bénéficie d’une immunité totale.

Cette décision est particulièrement intéressante car c’est la première fois que la Commission estime que la collusion sur le développement technique constitue une entente restrictive de concurrence.

 

Nous ne pouvons dès lors que nous réjouir de cette décision qui démontre que le droit de concurrence peut contribuer à maintenir les marchés innovants de manière à contribuer au pacte vert, tout en restant toujours interpellés par ce système de clémence qui permet au plus important « délinquant » d’échapper à toute sanction.

 

[1] Voy. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_06_857

[2] Communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (2006/C 298/11), disponible sur EUR-Lex - 52006XC1208(04) - EN - EUR-Lex (europa.eu).