La phase précontractuelle dans un contrat de franchise
par Patrick Kileste et Manon De Neubourg
19-06-2023

La phase précontractuelle dans un contrat de franchise

 

1.CODE DE DROIT ECONOMIQUE : LEGISLATION IMPERATIVE

Le Code de droit économique contient donc les dispositions relatives à l’information précontractuelle dans les contrats d’accord de partenariat commercial. L’article X.26 du Code de droit économique stipule que « les dispositions de la présente loi sont d'application nonobstant toute clause contractuelle contraire ».

2.CONTENU DE L’OBLIGATION D’INFORMATION PRECONTRACTUELLE EN FRANCHISE

a)PRINCIPE : remise d’un document d’information précontractuelle et d’un projet de contrat avant la conclusion du contrat de franchise

L’article X.27 du Code de Droit Economique impose à tout franchiseur de communiquer à son futur franchisé un Document d’Information Précontractuelle (ci-après « DIP ») et le projet de contrat de franchise avant la conclusion d’un contrat de franchise.

Si une des « dispositions contractuelles importantes » (reprises à l’art. X.28, § 1er, 1°) du projet de contrat est modifiée pendant ce délai d’un mois, à l’initiative du franchiseur, un projet d’accord modifié et un document particulier simplifié doivent être remis au futur partenaire et un nouveau délai d’un mois doit être respecté. Ce document simplifié ne devra reprendre que les dispositions contractuelles importantes qui ont été modifiées par rapport au projet initial. Il n'y a par contre pas d’obligation de remise d’un nouveau DIP si celle-ci intervient à la seule demande du franchisé.

En cas de modification durant le délai d’un mois des « données pour apprécier correctement l’accord de partenariat commercial » (visées à l’art. X.28, § 1er, 2°), bien que la loi n’ait rien prévu à cet égard, il sera plus prudent pour le franchiseur de veiller à remettre au candidat un nouveau document d’information précontractuelle et de patienter un nouveau délai de 30 jours avant de signer le contrat.

b)INTERDICTION D’ENGAGEMENTS OU DE PAIEMENTS

Afin de permettre au candidat-franchisé de profiter pleinement du délai de réflexion d’un mois, la loi interdit au franchiseur de faire supporter à ce dernier quelque engagement que ce soit, partant du principe que ceux-ci feraient perdre toute indépendance du candidat-franchisé face au franchiseur.

Ainsi, aucune obligation ne peut en principe être prise par le candidat et, aucune autre rémunération, somme ou caution ne peut lui être demandée ou être payée par lui avant l’expiration du délai d’un mois.

Pendant cette période, les parties ne pourraient ainsi conclure un accord de réservation permettant au candidat d’être le seul, durant une certaine période, pour une zone déterminée, moyennant le paiement d’une certaine somme d’argent[1]. Cela n’empêche cependant pas le franchiseur qui le souhaite d’octroyer une exclusivité à un candidat franchisé sans contrepartie.

Cette interdiction d’engagements ne vise cependant pas les engagements et paiements concernant les conventions relatives à la confidentialité qui sont expressément autorisées par la loi.

De même, l’interdiction ne s’applique pas aux situations dans lesquelles les parties sont en relation d’affaires au moment où elles décident de renouveler ou de modifier le contrat, et où il est évident que des obligations ont été prises et continuent à l’être durant cette période d’un mois.

Enfin, malgré sa formulation large, cette interdiction ne vise que les rapports entre parties et ne vise pas les accords, tels qu’un emprunt ou un contrat de bail commercial qui seraient signés par le futur « partenaire » avec des tiers au cours de cette période : ces actes resteront valables et ne pourront entraîner la nullité de l’accord de partenariat.

Tel est également l’avis de la Commission d’arbitrage[2] qui souligne que la protection du candidat instaurée par l’article 3 ne peut constituer une entrave à son indépendance, ni à sa liberté de contracter avec des tiers. Ainsi, on ne pourrait reprocher à un candidat un souhait de se réserver un point de vente bien situé qui se présenterait fortuitement à lui pendant la période de réflexion ou encore, de conclure un contrat de travail avec une personne qui lui semblerait parfaitement correspondre aux qualités recherchées.

Si par la suite, pour une quelconque raison, l’accord de partenariat commercial envisagé par les parties n’est pas conclu, il appartiendra alors en principe au « candidat » seul d’assumer les conséquences en découlant concernant les autres contrats qu’il aurait conclus avec des tiers.

Le candidat aura donc intérêt à insérer dans les contrats qu’il conclut pendant la période de réflexion une condition suspensive de signature de l’accord de partenariat commercial ou une condition résolutoire de non signature de cet accord voire encore d’obtenir un engagement de couverture de ce risque par le franchiseur qui, quant à lui, peut valablement prendre des engagements fermes à l’égard du candidat franchisé sans devoir attendre l’expiration de ce délai d’un mois.

c)FORME DU DIP

L’article X.27 du CDE précise que le projet d'accord et le document particulier doivent être mis à disposition sur un support durable et accessible.

Cela peut donc viser, outre des documents papier, un DVD, un CD, etc. L’envoi d’un document en annexe à un e-mail semble admis à condition que cet envoi soit fait dans un format habituel. Un lien vers un site internet serait par contre insuffisant.

d)CONTENU DU DIP

L’article X.28 du CDE précise les éléments devant figurer dans le DIP. Celui-ci s’articule en deux parties :

  • La première partie est plutôt « juridique » et mentionne toutes les dispositions contractuelles importantes du contrat ;
  • La deuxième partie est plus « économique » et vise à attirer l’attention du franchisé sur le contexte global

e)Première partie : Dispositions contractuelles importantes prévues dans l'accord de partenariat commercial

Le franchiseur reste libre de prévoir les dispositions qu’il souhaite dans le contrat de franchise. Seules les « dispositions importantes » énumérées dans la loi qui figurent dans le contrat doivent être mentionnées dans le DIP.

Il faut noter que la simple annexion du projet de contrat au DIP ne suffit pas pour satisfaire à cette obligation, et que, même si cela paraît absurde, inutile et représentant une perte de temps, les dispositions contractuelles « importantes » devant expressément être reprises dans le DIP.

f)Le caractère intuitu personae ou non de l’accord

Dans de nombreux cas, le contrat prévoit expressément qu’il est conclu en considération de la personne du franchisé (intuitu personae). Cette clause signifie que le contrat ne pourra être cédé à un tiers sans l’accord du franchiseur.

A défaut d’une telle mention expresse, la question pourra être discutée et la réponse pourrait varier en fonction des circonstances.

Si le franchisé exerce son activité au travers d’une société, cette clause est souvent complétée par une clause permettant au franchiseur de mettre fin au contrat en cas de changement de contrôle de la société franchisée c’est-à-dire en cas de vente par le franchisé de sa société ou de désignation de nouveaux administrateurs.

Ces clauses sont le plus souvent rédigées en faveur du franchiseur et méritent un examen particulier avant d’être acceptées.

g)Les obligations

Il convient ici de reproduire toutes les obligations contractuelles pesant sur chacune des parties. Une telle obligation s’avère en pratique fastidieuse. Néanmoins, comme exposé ci-avant, compte tenu de la formulation de la loi, un simple renvoi au contrat annexé risque de s’avérer insuffisant.

Par ailleurs, la Commission d’arbitrage a rendu un avis[3] le 10 juin 2022 dans lequel elle relève que le DIP aboutit souvent, en pratique, à reprendre presque littéralement les clauses du projet d’accord de partenariat et manque dès lors à son objectif qui est d’attirer l’attention de la personne qui reçoit le droit.

Elle y propose certaines modifications en ce qui concerne les dispositions contractuelles importantes qui doivent être énumérées dans le DIP.

En effet, afin de remédier à ce manque de clarté et de maintenir le document aussi lisible et logique que possible, la Commission d’arbitrage propose de limiter la liste prévue par la loi à une liste limitative de dispositions contractuelles importantes concrètes qui reprendraient aussi les conséquences de leur non-respect. En effet, le DIP doit servir davantage de « red flag document » au lieu d’être une liste exhaustive de toutes les obligations reprises dans le contrat.

h)Les conséquences de la non-réalisation des obligations

Ceci vise notamment l’existence de clauses résolutoires expresses, c’est-à-dire de clauses permettant à une partie au contrat de mettre fin au contrat sans préavis ni indemnité en cas de manquement de l’autre partie à telle ou telle obligation particulière[4].

De telles clauses résolutoires sont le plus souvent exclusivement prévues au profit du franchiseur. Elles sont particulièrement dangereuses en ce qu’elles permettent ainsi la résolution du contrat, le cas échéant assortie du paiement d’indemnités, sans contrôle du juge sur la gravité du manquement reproché au franchisé. En présence d’une telle clause, et hormis l’hypothèse d’un éventuel abus de droit, le pouvoir du juge est en effet limité au contrôle de ce que le motif de rupture invoqué rentre bien dans la catégorie de ceux qui ont été énoncés comme pouvant entraîner une telle rupture.

Les autres conséquences possibles de la non-réalisation des obligations du franchisé, qui doivent donc figurer dans le document d’information précontractuelle, sont par exemple les astreintes, les dommages et intérêts dus dans certaines hypothèses, le retrait de l’exclusivité du franchisé, etc.

i)La rémunération directe, le mode de calcul de la rémunération indirecte, et le cas échéant, le mode de révision en cours de contrat et lors de son renouvellement

Toujours dans cet objectif de transparence devant permettre au franchisé de conclure en connaissance de cause, la loi impose au franchiseur de transmettre au candidat certaines informations concernant sa rémunération.

La rémunération directe vise le droit d’entrée et les redevances périodiques que doit payer le franchisé pour appartenir au réseau et pour profiter des mises à jour du concept par le franchiseur. La rémunération directe peut être fixée à un pourcentage du chiffre d’affaires ou être forfaitaire[5].

Si le franchiseur opte pour une rémunération indirecte, il faut simplement mentionner l’existence éventuelle d’une telle rémunération indirecte et, le cas échéant, en indiquer le mode de calcul, le montant exact ne devant dès lors pas être précisé[6].

De manière non exhaustive, les modes de rémunérations suivants ont été considérés par certains comme étant des rémunérations indirectes :

  • la vente par le franchiseur de ses produits à son franchisé sans réduction de prix, le franchiseur étant dès lors « rémunéré » par la marge bénéficiaire ainsi réalisée ;
  • l’existence d’ « un loyer plus élevé que la moyenne, l’obligation de prester certaines activités au bénéfice du distributeur ou du réseau ou un objectif de vente minimal » ;
  • l’obligation d’approvisionnement exclusif ;
  • la participation aux campagnes de publicité ou à des formations, etc. ;
  • la rémunération « incluse dans une marge bénéficiaire ou dans des  commissions perçues lors du référencement de fournisseurs » ;
  • la ristourne de fin d’année payée par les fournisseurs au franchiseur calculée sur base des commandes que leur adresse le franchisé en vertu du contrat de partenariat commercial ;
  • la marge que perçoit directement ou indirectement le franchiseur dans le cadre de la mise à la disposition d’un local commercial.

j)Clauses de non-concurrence

Le DIP doit mentionner expressément les clauses de non-concurrence, leur durée et leurs conditions. Cette disposition vise les éventuelles clauses de non-concurrence applicables tant pendant le contrat qu’après.

k)La durée du contrat de franchise ainsi que les modalités de renouvellement de ce dernier

En ce qui concerne un éventuel renouvellement du contrat, les obligations d’information précontractuelle s’imposent à nouveau préalablement à celui-ci.

l)Les conditions de préavis et de fin du contrat de franchise notamment en ce qui concerne les investissements

La loi ne contenant strictement aucune disposition relative aux modalités de fin de contrat, celles-ci sont plus fixées librement entre parties et doivent donc être précisées ici.

Si un contrat de franchise de distribution devait être soumis aux dispositions protectrices du titre 3 du livre X du Code de droit économique (relatif aux concessions de vente exclusive à durée indéterminée), toute disposition contraire qui figurerait dans le contrat ne serait pas valide.

m)Le droit de préemption ou l’option d'achat en faveur du franchiseur et les règles de détermination de la valeur du commerce lors de l'exercice de ce droit ou de cette option

Le contrat contient parfois une clause accordant au franchiseur une option d'achat sur le fonds de commerce du franchisé, le plus souvent exerçable à l'expiration du contrat.

Cette clause devra alors prévoir un mode de détermination du prix de cession qui pourra être le prix offert par un tiers, un prix calculé selon une formule décrite dans le contrat ou encore un prix fixé par un tiers désigné dans le contrat.

Selon la Commission d’arbitrage[7], l’existence de telles clauses au bénéfice du franchiseur peut avoir pour effet de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence en limitant la possibilité de rachat de points de vente franchisés par un réseau concurrent, et elles ne peuvent donc se justifier qu’à condition qu’elles accordent des avantages équilibrés à chacune des parties à l’accord de franchise, ce qui dépendra des modalités d’exécution de la clause.

n)Les exclusivités réservées au franchiseur

Cette obligation vise les exclusivités uniquement réservées au franchiseur, comme une obligation d’approvisionnement exclusif, et n’est pas à confondre avec les exclusivités dont bénéficie le franchisé, comme une exclusivité territoriale. Une telle exclusivité territoriale constitue cependant une obligation à respecter par le franchiseur et devra à cet égard être mentionnée dans le DIP.

o)Deuxième partie : Données pour l’appréciation correcte du contrat de franchise

La deuxième partie du DIP doit contenir les informations suivantes.

p)Le nom ou la dénomination du franchiseur

Cette exigence n’appelle pas de remarques particulières.

q)Au cas où le franchiseur est une personne morale, l’identité et la qualité de la personne physique qui agit en son nom

D’après certains, cette obligation viserait l’ensemble des dirigeants de l’entreprise, c'est-à-dire tous les membres du conseil d’administration et ceux du comité de direction.

Aujourd’hui et eu égard aux nouvelles exigences en matière d’identification des bénéficiaires effectifs des sociétés en Belgique (Registre UBO[8]), il serait prudent de préciser tous les dirigeants effectifs de la personne morale.

r)La nature des activités du franchiseur

Cette obligation ne semble pas limitée aux activités en lien avec la franchise mais vise bien toutes les activités du franchiseur.

s)Les droits de propriété intellectuels dont l’usage est concédé

Les marques, dessins, modèles, brevets ainsi que les droits sur le concept (comme un droit d’auteur sur le manuel opératoire) sont visés par cette disposition.

t)Le cas échéant, les comptes annuels des trois derniers exercices du franchiseur

La formule « le cas échéant » vise l’hypothèse dans laquelle la personne qui octroie le droit n’exerce ses activités que depuis une période inférieure à trois ans, auquel cas seul les comptes annuels existants devront être transmis.

u)L'expérience de partenariat commercial et l'expérience dans l'exploitation de la formule commerciale en dehors d'un accord de partenariat commercial

Ceci peut viser le franchiseur lui-même, mais également lorsqu’il est une personne morale, l’expérience de ses dirigeants.

v)L'historique, l'état et les perspectives du marché où les activités s'exercent, d'un point de vue général et local

Cette obligation risque de s’avérer difficile à plusieurs égards. D’une part, les perspectives de marché sont des données relativement subjectives et on pourrait reprocher à celui qui octroie le droit son trop grand optimisme. Afin d’assurer une plus grande objectivité, le franchiseur peut recourir à un tiers afin de déterminer ces perspectives.

D’autre part, l’étude du marché à un niveau local peut poser problème lorsque le lieu d’implantation du futur candidat n’est pas déterminé à l’avance.

Enfin, les perspectives de marché constituent souvent des données sensibles que le franchiseur estime couvertes par le « secret des affaires ».

Il est généralement admis qu’une véritable étude de marché n’est cependant pas requise de la part de celui qui octroie le droit mais incombera à celui qui le reçoit.

w)L'historique, l'état et les perspectives de la part de marché du réseau d'un point de vue général et local

La détermination de la part de marché implique que le franchiseur définisse préalablement son marché, ce qui est souvent très difficile. En outre, la part de marché  est souvent en constante évolution.

La question de ce qu’implique exactement cette exigence reste débattue en Belgique, certains considérant par exemple qu’il suffirait au franchiseur d’indiquer s’il dispose  d’une part significative du marché ou pas, sans en préciser un pourcentage précis.

La réponse à la question dépendra évidemment de chaque cas d’espèce, étant entendu que le franchiseur sera tenu d’agir de bonne foi. Ainsi, si la part de marché est facilement déterminable, le franchiseur devra la communiquer, en étant le plus précis possible. Dans le cas contraire, il devra en toute hypothèse communiquer les informations dont il dispose.

x)Le cas échéant pour chacune des trois dernières années écoulées, le nombre d'exploitants qui font partie du réseau belge et international ainsi que les perspectives d'expansion du réseau

Les perspectives d’expansion du réseau requises par la loi belge, outre qu’elles risquent d’être des informations stratégiques importantes, pourront s’avérer difficiles à déterminer.

Seul le nombre d’exploitants doit être mentionné, sans que leur identification ou leur localisation précise ne soient nécessaires.

y)Le cas échéant pour chacune des trois dernières années écoulées, le nombre de contrats de franchise conclus, le nombre de contrats de franchise auxquels il a été mis fin à l'initiative du franchiseur et à l'initiative du franchisé ainsi que le nombre de contrats de franchise non renouvelés à l'échéance de leur terme

L’indication du nombre de contrats conclus et résiliés est suffisante sans qu’il soit nécessaire de donner l’identité des parties.

En ce qui concerne les contrats résiliés, il n’est, en outre, pas requis de mentionner les raisons pour lesquelles il y a été mis fin.

z)Les charges et les investissements auxquels s'engage le franchisé au début et au cours de l'exécution du contrat de franchise en indiquant leur montant et leur destination ainsi que leur durée d'amortissement, le moment où ils seront engagés ainsi que leur sort en fin de contrat

La loi n’indique pas si les charges et investissements précisés sont ceux qui sont strictement dépendants de la relation entre le franchiseur et le franchisé ou s’il s’agit de l’ensemble des charges d’exploitation et des investissements nécessaires à l’exploitation, telles que salaire, énergie, loyer, etc. telles que visées dans la classe 6 du bilan. Cette dernière interprétation semble excessive, le franchiseur ne disposant pas de certaines informations dépendantes des choix faits par le franchisé qui est un commerçant indépendant.

En toute hypothèse, il est généralement admis que la loi n’impose pas la remise d’un compte de résultats prévisionnel[9].

Lorsque le franchiseur remet un plan prévisionnel, il prend une responsabilité particulière puisqu’il devra bien sûr veiller à ce que ce plan prévisionnel repose sur une analyse sérieuse. Lorsque le franchisé n’obtient pas les résultats espérés, il essaiera certainement de mettre en cause la responsabilité du franchiseur si celui-ci lui avait remis un tel plan prévisionnel. Cela étant dit , la jurisprudence considère que le franchisé est également tenu, en sa qualité d’entrepreneur indépendant, de faire procéder à d’éventuelles autres analyses ou de s’assurer du caractère raisonnable de ce plan[10].

aa)DIP SIMPLIFIE

La loi prévoit certaines hypothèses dans lesquelles le franchiseur peut se contenter de remettre au franchisé, au moins un mois à l’avance, un DIP « simplifié » et un projet d’accord (article X.29 du CDE).

Tel est le cas en cas de :

  • renouvellement d’un contrat de franchise conclu pour une période à durée déterminée ;
  • conclusion d’un nouveau contrat de franchise entre les mêmes parties ; ou
  • modification d’un contrat de franchise en cours d’exécution conclu depuis deux ans au moins, sauf si cette modification intervient à la demande écrite de la partie qui reçoit le droit, auquel cas aucun projet de contrat, ni aucun document simplifié ne doivent être fournis.Le Code impose que ce DIP simplifié reprenne au moins les dispositions contractuelles importantes, ainsi que les données pour l’appréciation correcte de l’accord de partenariat commercial qui ont été modifiées par rapport au document initial ou à la situation initiale.

bb)QUESTION DE LA PREUVE DE LA REMISE DU PROJET DE CONTRAT ET DU DIP

La question de la charge de la preuve dans le cadre d’une obligation d’information fait l’objet d’importantes controverses doctrinales et jurisprudentielles. Dans les faits, les tribunaux estiment cependant le plus souvent que cette charge incombe au franchiseur.

En toute hypothèse, eu égard aux graves sanctions applicables en cas de non-respect de la loi, le franchiseur a tout intérêt à se ménager une preuve du respect des obligations contenues dans la loi, tant en ce qui concerne le délai d’un mois qu’en ce qui concerne le contenu des informations transmises.

En ce qui concerne la preuve de la date de remise des documents, la Commission d’arbitrage[11] a rappelé qu’elle peut être prouvée par toutes voies de droit (dont la signature pour réception, la lettre recommandée mais aussi l’envoi des documents par la voie électronique). Pour la Commission, en cas de contestation de cette date, le franchiseur doit pouvoir démontrer qu’il a respecté le délai d’un mois prescrit par la loi.

En ce qui concerne la preuve du contenu du DIP, la Commission[12] recommande au franchiseur de faire signer un accusé de réception indiquant la date de la remise du projet d’accord et du DIP, de faire parapher toutes les pages des documents remis à celui qui reçoit le droit, d’en remettre un exemplaire à celui qui reçoit le droit et de conserver un exemplaire de ces documents pour servir de preuve en cas de contestation.

Les procédés modernes de signature électronique permettent évidemment également une preuve de la date et de l’heure exacte de signature.

L’insertion dans le contrat de partenariat d’une clause mentionnant que le DIP a été remis et que le délai a été respecté serait, à nos yeux, en elle-même insuffisante. A cet égard la loi considère comme abusives les clauses qui ont pour objet de : « constater de manière irréfragable la connaissance ou l'adhésion de l'autre partie à des clauses dont elle n'a pas eu, effectivement, l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat »[13].

3.SANCTIONS

Les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect des formalités qui y sont prévues peuvent s’avérer très lourdes.

a)Nullité de l’accord dans son ensemble

L’article X.30, 1er alinéa du CDE permet au franchisé d’invoquer la nullité de l’accord dans les deux ans à dater de la conclusion du contrat en cas de non-respect d’une des dispositions de l’article X.27 (obligation de remettre un projet de contrat et un DIP au moins un mois à l’avance) ou X.29 (obligation « allégée » dans certaines hypothèses), c’est-à-dire :

  • Non communication au préalable du projet d’accord et/ou du document particulier « ordinaire » ou « simplifié » ;
  • Conclusion du contrat réalisée avant l’expiration du délai d’un mois ;
  • Réclamation ou paiement d’une somme d’argent durant délai de réflexion d’un mois (sauf hypothèses de renouvellement ou modification d’un contrat en cours puisque les parties continuent d’exécuter leurs obligations) ;
  • Non remise du projet de contrat et du DIP sur un « support durable et accessible ».

b)Nullité d’une (des) clause(s) du contrat

L’article X.30, second alinéa du CDE permet au franchisé d’invoquer la nullité de certaines clauses du contrat lorsque ces clauses ne sont pas mentionnées dans le DIP au titre des « dispositions contractuelles importantes » qui doivent y être mentionnées.

Aucun délai n’est prévu pour l’invocation de cette nullité, de telle sorte qu’elle est quant à elle soumise au délai de prescription de droit commun, soit 10 ans (article 2262 bis du Code civil).

La Cour de cassation[14] a récemment confirmé que cette sanction de nullité de certaines clauses doit également pouvoir être invoquée en l’absence de toute remise d’un DIP.

c)Nullité du contrat sur base du droit commun et/ou responsabilité précontractuelle

En vertu de l’article X.30, 3ème alinéa du CDE, si l’une des « données pour l’appréciation correcte de l’accord » est manquante, incomplète ou inexacte, ou si l’une des « dispositions contractuelles importantes » devant figurer dans les DIP est incomplète ou inexacte, le franchisé pourra invoquer le droit commun en matière de vice de consentement (permettant ainsi notamment de solliciter la nullité du contrat) et/ou de faute quasi-délictuelle (permettant l’octroi de dommages et intérêts).

Seules les informations volontairement ou manifestement inexactes ou les erreurs ou omissions qui ont eu pour conséquence de vicier le consentement du futur partenaire pourraient alors être sanctionnées.

Le délai de prescription de droit commun de 10 ans (article 2262 du Code civil) est applicable à l’action dans ce cas-ci.

d)Sanction « automatique »

Compte tenu de la formulation claire de l’article X.30 CDE, il semble que la sanction de nullité soit automatique de telle sorte que le juge saisi d’une demande de nullité ne dispose en principe d’aucun pouvoir d’appréciation.

Le juge pourrait néanmoins tempérer cette sanction en appliquant la théorie de l’abus de droit et le principe d’exécution de bonne foi des contrats à un franchisé qui tenterait de se dégager d’un accord pour une raison étrangère à la protection instaurée par la loi.

Possibilité pour le franchisé de renoncer aux sanctions

La loi reconnaît désormais au franchisé, partie réputée faible et protégée, la faculté de pouvoir renoncer valablement à la protection instaurée par la loi.

Une telle renonciation est cependant encadrée de manière stricte.

L’article X.30, dernier alinéa du CDE dispose ainsi que « La personne qui reçoit le droit ne peut valablement renoncer au droit de demander la nullité de l'accord, ou d'une des dispositions de celui-ci, qu'après l'écoulement du délai d'un mois suivant sa conclusion. Cette renonciation doit expressément mentionner les causes de la nullité à laquelle il est renoncé. ».

[1] Avis 2017/16 du 22 février 2017.

[2] Avis n°2012/11 du 18 octobre 2012.

[3] Avis n° n° 2022/18 du 10 juin 2022.

[4] A ce sujet, voyez infra, pacte commissoire exprès et conditions résolutoires.

[5] Doc. parl., Ch. repr., sess. 2013-2014, no 53 3280/001, p. 12

[6] Ibid.

[7] Avis no 2013/13 du 28 mars 2013.

[8] https://finances.belgium.be/fr/E-services/ubo-register

[9] En ce sens, P. Hollander, op. cit.

[10] O. CLEVENBERGH, « La place de l’étude de marché et du plan prévisionnel au sein de l’information précontractuelle à fournir au franchisé en vertu de la loi du 19 décembre 2005 et du droit commun. La sanction du caractère inexact ou incomplet des informations communiquées », R.D.C., 2008, p.189 et suivantes ;

Il a été jugé que le franchisé dont l'exploitation est faiblement rentable ne peut se retourner contre le franchiseur, sur base des informations communiquées par le franchiseur à la conclusion du contrat, alors que le franchiseur avait bien estimé le chiffre d'affaire de l'exploitation et qu'il ne s'était pas engagé à garantir les résultats estimés dans le plan financier, dont la rentabilité de celle-ci (le plan financier était, en outre considéré comme un simple document de travail car il n'avait pas été signé) ; Comm. Bruxelles, 1er septembre 1998, R.G./10.572/95, inédit.

[11] Avis n°2012/10 du 22 juin 2012

[12] Avis n° n°2017/17 du 27 avril 2017

[13] Art. VI.91/4, 4° du C.D.E.

[14] Cass., 6 mai 2019, arrêt n° F-20190506-1 (C.18.0516.F), www.juridat.be: « lorsque  la  personne  qui octroie le droit n’a pas fourni à l'autre personne le document particulier reprenant les données visées à l'article 4 de la loi précitée, la personne qui obtient le droit peut invoquer la nullité des dispositions de l'accord de partenariat commercial visées à l'article 4, § 1er, 1°, de cette loi et qu’en ce cas, elle n’est pas tenue de le faire dans le délai de deux ans de l’article 5, alinéa 1er, de ladite loi ».

[15] P. MOINEAU, « Nullité du contrat de franchise pour violation des règles d’information précontractuelle : quand et avec quelles conséquences ? », R.D.C.-T.B.H.,2017/9, p. 1022-1027 ; tribunal de l’entreprise de Gand, division Courtrai, 26 avril 2021, DAOR, pp. 89 et s.