Loi du 4 avril 2019: Quelques réflexions en matière de clauses abusives
par Cécile Staudt et Patrick Kileste
10-09-2019

Loi du 4 avril 2019: Quelques réflexions en matière de clauses abusives

 

1.         Les dispositions de la loi du 4 avril 2019  relatives à l’interdiction des clauses abusives s’appliqueront aux contrats conclus, renouvelés ou modifiés après le 1er décembre 2020. La loi exclut par contre de son champ d’application les contrats en cours à cette date.

Les parties devront dès lors être très vigilantes non seulement lorsqu’elles concluront un contrat après cette date, mais aussi lorsqu’un contrat en vigueur sera renouvelé ou simplement modifié après cette date. Dans cette dernière hypothèse (modification d’un contrat), les parties n’auront pas nécessairement leur attention attirée sur l’existence de la législation désormais applicable dans la mesure où d’une part, l’intervention d’un juriste s’impose moins fréquemment pour une simple modification que lors de la conclusion d’un contrat et où d’autre part, la modification pourrait concerner une ou plusieurs clauses qui ne font pas partie des clauses « suspectes ».

Par ailleurs, la loi ne vise pas l’hypothèse de la tacite reconduction d’un contrat, pourtant fréquente dans les contrats de distribution. Si l’on imagine que l’intention du législateur fût de viser également cette hypothèse, une lecture stricte du texte n’impose pas d’adaptation des contrats en cas de tacite reconduction.

2.         La nouvelle réglementation s’inspire essentiellement de celle qui existe déjà en matière de contrats conclus avec les consommateurs, notamment à travers l’instauration de catégories de clauses noires toujours considérées comme abusives et de clauses grises présumées abusives mais dont la preuve du contraire peut être apportée.

Parmi les clauses noires, sont notamment abusives, celles qui ont pour objet de faire renoncer l’autre partie à tout moyen de recours contre l’entreprise en cas de conflit ou encore de constater de manière irréfragable la connaissance ou l’adhésion de l’autre partie à des clauses dont elle n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat.

Parmi les clauses « grises », on peut par exemple citer celles qui ont pour objet de :

-         autoriser l’entreprise à modifier unilatéralement sans raison valable le prix, les caractéristiques ou les conditions du contrat;

-         placer, sans contrepartie, le risque économique sur une partie alors que celui-ci incombe normalement à l’autre entreprise ou à une autre partie au contrat;

-         exclure ou limiter de façon inappropriée les droits légaux d’une partie, en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par l’autre entreprise

-         fixer des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution des obligations de l’autre partie qui dépassent manifestement l’étendue du préjudice susceptible d’être subi par l’entreprise.

La volonté du législateur a été d’alléger la charge de la preuve pour les entreprises qui souhaiteraient contester ce type de clauses, le principe restant néanmoins que l’examen de ces clauses doit être fait en fonction de tous les éléments de contexte, à l’exception de la définition de l’objet principal du contrat ou encore du  prix ou de la rémunération négociés.

Les listes ne sont cependant pas exhaustives et toute clause qui « à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses, elle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties » pourra être déclarée nulle.

Les auteurs de la loi ont cependant insisté sur le pouvoir d’appréciation du juge qui doit rester libre de rétablir, si une partie en fait la demande, l’équilibre du contrat concerné. Ainsi par exemple, la sanction en cas de constat de clauses pénales excessives reprises dans la catégorie des clauses grises pourra être la réduction de ces clauses et pas automatiquement leur annulation.

En ce qui concerne ces clauses grises, les travaux parlementaires précisent expressément que la présomption du caractère abusif attachée à cette catégorie de clauses pourra être renversée si les parties contractantes démontrent qu’elle ont expressément convenu de maintenir une telle clause. Le principe de liberté contractuelle prime donc. Ceci poussera les parties à être particulièrement attentives au moment de la conclusion du contrat et à se ménager la preuve, dans la mesure du possible, du fait que les clauses ont été négociées ou à tout le moins acceptées en toute connaissance de cause.

A l’instar de la réglementation relative aux clauses abusives dans les contrats avec des consommateurs, les dispositions de la loi du 4 avril relatives aux clauses abusives dans les contrats B2B ont pour but la protection des co-contractant qui implique plus de clarté et de compréhension des clauses contractuelles. La rédaction des contrats tombant dans le champs d’application de la loi sera d’autant plus important.