Quelles seront les éventuelles implications de la loi du 4 avril 2019 quant aux modes de règlements des différends entre parties à un contrat de distribution commerciale ?
par Cécile Staudt
16-10-2019

Quelles seront les éventuelles implications de la loi du 4 avril 2019 quant aux modes de règlements des différends entre parties à un contrat de distribution commerciale ?

La loi du 4 avril 2019 a modifié le Code de droit économique, interdisant désormais les abus de dépendance économique, les clauses abusives et les pratiques du marché déloyales entre entreprises.

Cette nouvelle législation pourrait avoir des conséquences quant à la manière dont les parties règleront un différend qui les oppose.

Médiation préalable obligatoire ?

Tout d’abord, l’article VI.104 du Code de droit économique, qui interdit déjà les pratiques déloyales entre entreprises, est complété par une interdiction plus particulières des pratiques trompeuses et agressives.

Une pratique du marché est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur une entreprise en ce qui concerne un ou plusieurs des éléments suivants, même si les informations présentées sont factuellement correctes, et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision relative à une transaction qu’elle n’aurait pas prise autrement :

(…) 9° le non-respect par l’entreprise d’engagements contenus dans un code de conduite sectoriel par lequel elle s’est engagée à être liée, dès lors que ces engagements ne sont pas des déclarations d’intention, mais sont fermes et vérifiables.

Dans le secteur de la franchise, le Code européen de déontologie de la franchise constitue incontestablement un code sectoriel de bonne conduite. Les franchiseurs et franchisés qui se sont expressément engagés à respecter ce Code, notamment parce qu’ils sont membres de les membres de la Fédération belge de la franchise, pourraient donc se voir reprocher une éventuelle violation des obligations concrètes qui y sont contenues.   

Parmi les dispositions de ce Code, le point 2.4. (d et e) précise que « les parties devront résoudre leurs griefs et litiges avec bonne foi et loyauté par la communication et la négociation directe » et que « lorsque la négociation directe entre les parties a échoué, [les parties devront ] rechercher à résoudre de bonne foi leur différend par la voie de la médiation et/ou de l’arbitrage le cas échéant ».

Cet article pourrait être considéré comme contenant une obligation concrète pour le franchiseur de privilégier les modes amiables de résolution des conflits et par conséquent, utilisé par un franchisé afin de tenter de forcer le franchiseur à participer à un processus de médiation avant l’introduction d’une éventuelle procédure judiciaire ou arbitrale.

Possibilité de contester la validité d’une clause arbitrale ?

La loi insère également dans le code de droit économique des dispositions interdisant les clauses abusives dans les contrats entre entreprises. Ces nouvelles dispositions relatives aux clauses abusives entreront en vigueur le 1er décembre 2020 et s’appliqueront aux contrats conclus, renouvelés ou modifiés après cette date.

Certaines clauses sont irréfragablement présumées abusives. On parle de clauses « noires ». Il s’agit notamment des clauses qui ont pour objet (…) 3° en cas de conflit, de faire renoncer l’autre partie à tout moyen de recours contre l’entreprise.

Après avoir indiqué que « Les clauses interdites de la liste noire doivent être interprétées de manière stricte. Il s’agit ici d’interdire les clauses qui excluent tout moyen de recours, en d’autres termes des “clauses de propre droit” qui excluent l’accès au juge », les travaux préparatoires de la loi citent comme exemple de clause noire les « clauses qui obligent l’autre partie d’accepter l’arbitrage ou lui interdisent d’intenter une action en règlement collectif. ».

Cette interprétation semble extrême dans la mesure où une clause d’arbitrage n’exclut a priori pas « tout moyen de recours ».

Il ne pourrait éventuellement en aller autrement que si, en fonction des circonstances, l’arbitrage prévu reviendrait en pratique à exclure toute possibilité de recours pour la partie faible, par exemple en cas d’arbitrage dans une langue étrangère à l’autre bout du monde.

La loi prévoit également une liste de clauses dites « grises » qui sont présumées abusives sauf preuve contraire. Il s’agit notamment des clauses qui ont pour objet de (…) 4° exclure ou limiter de façon inappropriée les droits légaux d’une partie, en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par l’autre entreprise d’une de ses obligations contractuelles.

Une clause d’arbitrage pourrait, en fonction des circonstances, être considérée comme une clause abusive « grise », limitant de façon inappropriée les droits d’une des parties.

Possibilité de contester la validité d’une clause attributive de juridiction ?

Le Règlement Bruxelles I bis permet aux parties, moyennant le respect de certaines conditions, de désigner le tribunal qui sera compétent pour trancher d’un éventuel différend. Dans ce cas, les juridictions ainsi désignées sont compétentes, « sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre » (dont les tribunaux ont été désignés).

A titre d’exemple, si un distributeur est situé en France et le commettant est situé en Belgique et que les parties désignent le droit belge et les tribunaux belges, la validité de la clause attributive de juridiction sera alors appréciée au regard du droit de l’Etat membre dont les juridictions ont été désignées, c’est à dire au regard du droit belge.

Le juge belge saisi pourrait alors éventuellement considérer, en fonction des circonstances (éloignements, coûts, langue), que la clause est abusive en ce qu’elle limiterait « de façon inappropriée les droits légaux » du distributeur situé à l’étranger et constituerait donc une clause grise au sens de la nouvelle législation rappelé ci-dessus.