La question de la place de l’avocat en médiation civile et commerciale
par Patrick Kileste
03-03-2020

La question de la place de l’avocat en médiation civile et commerciale

La question de la place de l’avocat en médiation commerciale prend une importance grandissante depuis la loi du 18 juin 2018 qui permet au Tribunal d’ordonner une médiation si toutes les parties ne s’y opposent pas.

L’expérience montre que, pour beaucoup d’entre nous, la « posture » et le rôle que nous sommes amenés à jouer en médiation ne sont pas naturels. 

Habitués à plaider, convaincre, critiquer, voire intimider, nous devons apprendre à écouter, essayer de comprendre, faire preuve d’empathie, de créativité, de bienveillance, que l’on soit en présence d’une négociation raisonnée ou d’une médiation.

Le rôle de l’avocat en médiation est non seulement de bien encadrer son client avant le début de la médiation, pour examiner soigneusement avec lui les points forts et les points faibles de son dossier, le rendre conscient de sa « mesore » (Meilleure solution de rechange »,( voy. notamment https://www.cairn.info/revue-negociations-2011-2-page-75.htm#), mais aussi, et surtout, lors du déroulement de la médiation, être réellement à l’écoute de la « parte adverse », essayer de la comprendre, lui donner, à elle aussi, de l’empathie, et faire preuve de créativité dans la recherche de solutions originales, sortant du « cadre étroit » des demandes originaires.

En tant que médiateur et avocat, je veille à souligner l’importance des avocats dans le processus de médiation et à les y associer étroitement. Mais je constate que leur ouverture ou, au contraire, leur absence de familiarité avec ce processus, font une énorme différence. Et j’entends avec tristesse et inquiétude bon nombre de médiateurs non-avocats considérer que le principal obstacle à la réussite de la médiation est … la présence des avocats des parties.

Ce changement de paradigme est donc fondamental pour la réussite de la médiation.

Il l’est aussi pour l’avenir de notre profession si nous voulons éviter que ne se développent des médiations plus ou moins « imposées » par le tribunal et dans lesquelles, comme c’est déjà le cas en matière familiale, les avocats soient très largement écartés du processus et que le jour vienne où seuls les litiges qui n’auraient pu être réglés par la voie d’une médiation « hors avocat » leurs reviendront.

Il suppose aussi certainement une revalorisation du travail de l’avocat dont la perception étriquée au travers du time-sheet et du tarif horaire ne rendent évidemment pas compte lorsque, plutôt que de laisser s’embarquer son client dans une longue, coûteuse et incertaine procédure, il le conseille,  et l’accompagne au contraire dès le début dans la recherche de solutions amiable, et apporte, par son intervention intelligente et avisée, une réelle plus-value au processus de médiation, tous éléments qui justifieront aisément – pour autant que le client en ait été informé au préalable bien sûr, une revalorisation de ses honoraires en fonction du résultat ainsi obtenu.

Patrick Kileste

Avocat et médiateur