Changement de contrôle au sein des sociétés et résolution des contrats de distribution
par Cécile Staudt et Patrick Kileste
29-09-2020

Changement de contrôle au sein des sociétés et résolution des contrats de distribution

La Cour de Cassation italienne s’est prononcée le 17 septembre 2019 (affaire numéro 23092) sur la notion de « changement de contrôle » utilisée comme base pour résilier avec effet immédiat un contrat de licence de marque (pour un commentaire : https://www.idiproject.com/news/italy-%E2%80%9Cchange-control%E2%80%9D-clause-commercial-agreements ).

En l’espèce, le concédant avait invoqué une clause contractuelle lui permettant de résilier le contrat dans l’hypothèse où la famille qui détenait les pouvoirs perdrait le contrôle de l’organe d’administration de la société licenciée.

Dans les faits, les actionnaires avaient cédé leurs actions, tout en gardant la majorité au sein du conseil d’administration qui disposait des pouvoirs de direction et tout en restant en contact direct avec les employés. Si les actionnaires majoritaires avaient le pouvoir de révoquer les administrateurs, cette faculté n’avait en l’espèce pas été utilisée.

La Cour a donc exclu que la vente de la majorité des actions ait effectivement entraîné la perte de la direction de la société, invoquant la distinction entre propriété et gestion des sociétés.

Cette décision permet de rappeler l’importance de la précision avec laquelle les clauses, telles que des clauses relatives au changement de contrôle, doivent être rédigées.

En ce qui concerne la validité de telles clauses, rappelons la distinction en droit belge entre le « pacte commissoire exprès » et la « condition résolutoire ». Si tous deux permettent de mettre fin à un contrat avec effet immédiat et sans préavis ni indemnité en cas de survenance de l’événement futur et incertain qui les conditionne, le pacte commissoire exprès est lié à une inexécution fautive de la convention, contrairement à la condition résolutoire pour laquelle cet événement futur et incertain peut être totalement étranger à l’idée de faute. L’hypothèse du changement de contrôle nous paraît appartenir à cette seconde catégorie.

Selon la jurisprudence actuelle de notre Cour de cassation, tant les pactes commissoires exprès que les conditions résolutoires sont admis en matière de contrats de concessions de vente. En matière de contrats d’agence, la jurisprudence semble au contraire juger illégale la condition résolutoire expresse.

Quoi qu’il en soit, l’existence d’une telle clause ne dispense a priori pas le créancier d’adresser à son cocontractant une mise en demeure préalable. En effet, « lorsque la convention contient une clause résolutoire expresse, mais que cette clause ne porte pas dispense, pour le créancier, de mettre le débiteur en demeure, la résolution ne peut en principe avoir lieu que s’il a été procédé à pareille mise en demeure » (Cass., 2 mai 1964, Pas., 1964, I, p. 934 ; J.T., 1964, p. 634). Une telle mise en demeure n’est cependant pas requise lorsqu’il résulte soit de l’objet ou de la nature de la convention, soit d’autres circonstances constatées par le juge, qu’après l’expiration d’un délai déterminé, l’exécution de l’obligation est devenue matériellement impossible ou ne peut plus présenter aucune utilité pour le créancier.

Enfin, rappelons que si l’existence d’une telle clause prive en principe le juge de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins qu’il pourra encore vérifier que la clause a régulièrement été invoquée et que les conditions d’application de la clause sont bien réunies. Invocation d’une clause en contrariété avec la bonne foi ou entachée d’un abus de droit

De même, une condition résolutoire ne pourrait être invoquée dans des conditions qui seraient contraires à la bonne foi ou entachées d’abus de droit.