Droit des sociétés

Le Code des sociétés et des associations (CSA) introduit par la loi du 23 mars 2019 réforme profondément notre droit des sociétés autour de trois objectifs principaux : modernisation, flexibilité, simplification.

Cette simplification se traduit notamment par la réduction du nombre des formes sociétaires qui s’articulent désormais essentiellement autour de la SRL (société à responsabilité limitée) qui remplace l’ancienne SPRL, de la SA (société anonyme) et de la SC (société coopérative).

La SRL est destinée à devenir la forme sociétaire la plus répandue, susceptible de s’adapter aux besoins des entreprises familiales de petite dimension mais également à des projets plus ambitieux puisqu’il lui est permis d’être cotée en Bourse, ce qui n’était pas envisageable pour la SPRL.

La SA est ainsi appelée à se concentrer sur les entreprises de plus grande dimension alors que la SC se resserre autour du phénomène coopératif qui devra être justifié dans les statuts (article 6:1, § 4 CSA)

Vous trouverez ci-dessous les informations de base relative à ces trois types de société. Toutes trois sont, à peine de nullité, constituées par acte authentique passé devant notaire.

A) SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE

1) Définition

L’innovation majeure introduite par la SRL réside dans la disparition du capital. Cette caractéristique est mise en avant dans la définition qu’en donne l’article 5:1 CSA : « La société à responsabilité limitée est une société dépourvue de capital dont les actionnaires n’engagent que leur apport. »

Elle est caractérisée par sa souplesse et un caractère contractuel plus marqué qui se traduit par une grande liberté laissée aux associés dans la rédaction des statuts, notamment en ce qui concerne la répartition des droits de vote et la répartition des bénéfices.

2) Constitution et capitaux propres

Si la notion juridique et comptable de capital disparaît, les fondateurs doivent néanmoins doter la société de capitaux propres qui, compte tenu des autres sources de financement, sont suffisants à la lumière de l’activité projetée (article 5:3 CSA).

Les apports des associés pourront être effectués en espèces, en nature ou en industrie. Dans les deux derniers cas, les apports devront faire l’objet d’un contrôle par un réviseur d’entreprise (article 5:7 CSA). Les actions devront être intégralement et inconditionnellement souscrites. La SRL peut émettre tous types de titres : actions (avec ou sans droit de vote), obligations (convertibles ou non), droits de souscription, parts bénéficiaires, certificats.

Le plan financier, que les associés devront remettre au notaire lors de la constitution, doit justifier le montant des capitaux propres de départ à la lumière de l’activité projetée de la société pendant une période d’au moins deux ans. Le plan financier aura une importance considérable dans l’appréciation de la responsabilité des fondateurs. Le plan devra comprendre, au minimum, une description précise de l’activité projetée, les sources de financement disponibles, un bilan d’ouverture et des comptes de résultats prévisionnels, un budget des revenus et dépenses sur deux ans ainsi qu’une description des hypothèses retenues pour l’estimation du chiffre d’affaires et de la rentabilité (article 5:4 CSA).

Le plan financier n’est pas publié, mais la responsabilité des fondateurs serait engagée en cas d’insuffisance du plan si la société est déclarée en faillite dans les trois ans de la date à laquelle elle a acquis la personnalité juridique (article 5:16 CSA).

3) Autres caractéristiques

La loi organise un régime supplétif (non obligatoire), proche de l’ancienne SPRL, qui repose sur le caractère fermé de la société. Sauf disposition statutaire contraire, les transferts d’actions restent soumis à l’agrément d’au moins la moitié des actionnaires possédant les trois quarts au moins des actions (en dehors des actions transférées). Cet agrément n’est cependant pas nécessaire en cas de cession à un autre actionnaire, au conjoint ou aux ascendants ou descendants en ligne directe (article 5:63 CSA).

Les statuts peuvent néanmoins donner à la SRL un caractère résolument ouvert. Celle-ci peut même être cotée en Bourse.

La SRL doit émettre au moins une action et une action au moins doit avoir le droit de vote. Les actions sont émises en contrepartie d’un apport. Elles ouvrent le droit au bénéfice et au solde de liquidation dont la répartition est en principe égalitaire en fonction du nombre d’actions émises. Mais les statuts peuvent en disposer autrement.

Le CSA met également fin au principe « une action-une voix ». Les votes multiples sont désormais possibles.

Le patrimoine social, qui n’est plus protégé par la notion de capital, est préservé par la réglementation des distributions effectuées par la société. Celles-ci recouvrent non seulement le paiement des dividendes, mais également les tantièmes ainsi que le remboursement des apports en numéraire ou en nature.

Le test d’actif net, imposé par l’article 5:142, al. 1 CSA, interdit de procéder à de telles distributions si l’actif net est négatif ou le deviendrait à la suite de cette distribution. Le seuil sera, le cas échéant, rehaussé pour correspondre aux montant des capitaux propres qui sont légalement ou statutairement indisponibles et ne peuvent être entamés par ces distributions. L’actif net s’entend comme le total de l’actif après déduction des provisions, des dettes et, en principe, des montants non encore amortis des frais d’établissement et d’expansion et des frais de recherche et de développement (article 5:142, al. 3 CSA).

Les décisions de distribution, prises par l’assemblée générale, ne pourront être mises en œuvre par l’organe d’administration que moyennant la réalisation préalable d’un test de liquidité satisfaisant. Celui-ci revient à s’assurer que, à la suite de la distribution, la société pourra, en fonction des développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre continuer à s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant une période d’au moins 12 mois à compter de la date de distribution (article 5:143 CSA). L’organe d’administration doit justifier sa décision dans un rapport qui ne sera toutefois pas publié ni déposé au greffe. Les administrateurs engagent leur responsabilité en cas de mise en paiement d’une distribution qui ne satisferait pas au test de liquidité.

Signalons enfin que les SRL emprunte à la société coopérative les mécanismes de démission et d’exclusion à charge du patrimoine social (article 5:154 à 5:156 CSA). Ces mécanismes, qui doivent être prévus dans les statuts, permettent la résolution des conflits internes, ou plus simplement la mobilité des actionnaires, moyennant le remboursement des actions par la société. Sauf disposition contraire des statuts, le prix (part de retrait) correspond au montant réellement libéré et non encore remboursé pour ces actions sans cependant être supérieur au montant de la valeur de l’actif net de ces actions telle qu’elle résulte des derniers comptes annuels approuvés. Les actions acquises par la société sont annulées, ce qui apparente ce mécanisme à une liquidation partielle.

Sauf si les statuts en disposent autrement, la démission doit être donnée pendant les six premiers mois de l’exercice social. Les fondateurs ne peuvent cependant démissionner au cours des deux premières années d’existence de la société.

L’exclusion, qui ne peut être décidée que par l’assemblée générale pour de justes motifs, requiert une procédure d’information de l’actionnaire concerné qui peut faire valoir ses observations devant l’assemblée avant que celle-ci ne statue définitivement sur l’exclusion par décision motivée.

B) SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE

1) Définition

La société coopérative est définie au regard du but principal qu’elle poursuit et qui tient à « la satisfaction des besoins et/ou le développement des activités économiques et/ou sociales de ses actionnaires ou bien de tiers intéressés notamment par la conclusion d'accords avec ceux-ci en vue de la fourniture de biens ou de services ou de l'exécution de travaux dans le cadre de l'activité que la société coopérative exerce ou fait exercer. La société coopérative peut également avoir pour but de répondre aux besoins de ses actionnaires ou de ses sociétés mères et leurs actionnaires ou des tiers intéressés que ce soit ou non par l'intervention de filiales. Elle peut également avoir pour objet de favoriser leurs activités économiques et/ou sociales par une participation à une ou plusieurs autres sociétés. » (Article 6:1 CSA).

La finalité coopérative de la société doit être justifiée dans les statuts et maintenue tout au long de son existence sous peine de dissolution judiciaire pouvant être prononcée par le tribunal à la requête d’un actionnaire, du ministère public ou de tout intéressé.

2) Constitution et capitaux propres

La SC doit être constituée par trois personnes au moins, à peine de nullité.

Comme dans la SRL, la notion de capital disparaît et est remplacée par les capitaux propres de départ qui doivent être suffisants pour mener l’activité sociale et qui doivent être justifiés par un plan financier préalable à la constitution.

Comme dans la SRL, la responsabilité solidaire des fondateurs sera engagée en cas d’insuffisance manifeste des capitaux propres pour mener l’activité projetée pendant une période de deux ans au moins et que la faillite est prononcée dans les trois ans de la constitution.

3) Autres caractéristiques

Les sociétés coopératives dont le fonctionnement est en adéquation avec les valeurs et principes coopératifs, peuvent demander un agrément auprès du Ministre en charge de l'Economie, afin de devenir membre du Conseil national de la Coopération. Cet agrément permet de garantir, aux yeux des tiers, que la société promeut un entreprenariat coopératif et socialement responsable. Cette agréation offre également des avantages fiscaux.

La SC ne peut émettre que des actions nominatives qui peuvent donner droit à un vote multiple.

Les distributions sont, comme dans la SRL, soumises au double test d’actif net et de liquidité.

C) SOCIÉTÉ ANONYME

1) Définition

La société anonyme est définie par le Code des sociétés comme celle qui est « dotée d'un capital et dans laquelle les actionnaires n'engagent que leur apport. » (Article 7:1 CSA)

Les auteurs du CSA ont voulu rendre à la société anonyme sa vocation historique qui est de réunir suffisamment de capitaux pour développer une entreprise d’une certaine envergure, où l’identité des coactionnaires est d’un intérêt accessoire. Elle est conçue pour les grandes sociétés qui ont un actionnariat important.

2) Constitution et capital

La SA peut toutefois ne compter qu’un seul associé.

Le capital ne peut être inférieur à 61.500 €. Celui-ci devra être intégralement et inconditionnellement souscrit et libéré par les actionnaires lors de la constitution de la société (article 7:4 CSA)

Les titres d’une société anonyme sont librement cessibles et généralement sans limitation (sauf si les statuts ou une convention d’actionnaires prévoi(en)t certaines clauses qui en limitent la cessibilité, voy. infra). Les actions de la SA sont toujours nominatives, jusqu'à ce qu’elles soient entièrement libérées.

3) Autres caractéristiques

Les actions peuvent conférer un droit de vote multiple si les statuts le prévoient. Cette possibilité est limitée, dans les sociétés cotées, à la faculté de prévoir un droit de vote double au profit d’actionnaires qui ont libéré leurs actions et les ont conservées sans interruption pendant deux ans au moins (article 7:53, § 1er al. 1 CSA).

Le CSA a introduit des nouveautés en matière de gouvernance. À côté du traditionnel système moniste reposant sur un conseil d’administration composé d’au moins trois administrateurs (pouvant être réduit à deux administrateurs dans l’hypothèse où la société ne compte que deux actionnaires), le CSA a introduit la possibilité d’avoir un administrateur unique dans les sociétés unipersonnelles ou encore une administration duale.

L’administration duale est une option facultative, particulièrement destinée aux grandes sociétés, qui repose sur la mise en place d’un conseil de surveillance qui assure l’administration de la société (article 7:105 CSA) et d’un conseil de direction qui exercera les pouvoirs d’administration qui ne sont pas réservés au conseil de surveillance en vertu de la loi ou des statuts (article 7:107 CSA).

D) CONFLITS ENTRE ACTIONNAIRES

Dans les SRL, l’accès au capital est normalement verrouillé, en ce sens que l’entrée d’un nouvel actionnaire requiert une majorité spéciale. Il en va de même dans les sociétés coopératives.

En revanche, dans les sociétés anonymes, nous avons vu que la libre cession des titres est le principe fondamental de base. Il en résulte que, dans ce type de sociétés, il est essentiel de réglementer les relations entre actionnaires par le biais de conventions d’actionnaires particulières, qui prévoiront, par exemple des clauses de préemption ou de « first refusal », ou encore des mécanismes de représentation proportionnelle au sein du conseil d’administration. De telles conventions pourront bien entendu être prévues dans les autres types de sociétés.

Les conventions d’actionnaires pourront être insérées dans les statuts, auquel cas elles seront opposables tant aux actionnaires actuels et futurs, qu’à la société. Une modification de ces conventions statutaires devra respecter les conditions de quorum et de majorité en vigueur pour la modification des statuts (quorum de 50% + majorité de 3/4 des voix, sauf conditions statutaires plus strictes).

En revanche, à défaut d’une telle insertion dans les statuts de la société, les conventions d’actionnaires n’auront d’effet qu’entre parties signataires. C’est pourquoi leur éventuelle modification ne nécessitera que l’accord de celles-ci. L’avantage de ces conventions, prévues en dehors des statuts, est de permettre une plus grande confidentialité quant au contenu de l’accord, ce que les clauses statutaires ne peuvent garantir.

Le CSA prévoit que ces conventions d’actionnaires, statutaires ou non, doivent être limitées dans le temps et être justifiées par l’intérêt social (articles 5:46, 6:45 et 7:56 CSA).

Outre ces deux limites, les mêmes articles stipulent que seront toutefois nulles :

1° « les conventions qui sont contraires aux dispositions du présent code,
2° les conventions par lesquelles un actionnaire s’engage à voter conformément aux directives données par la société, par une filiale ou encore par l’un des organes de ces sociétés,
3° les conventions par lesquelles un actionnaire ou un autre titulaire de titres s’engage envers les mêmes sociétés ou les mêmes organes à approuver les propositions émanant des organes de la société ».

La nullité prévue par le Code des sociétés est ici d’ordre public.

Au-delà des conventions d’actionnaires, le CSA reprend, en les améliorant, les dispositions relatives à l’exclusion et au retrait forcés qui peuvent être demandés au président du tribunal de l’entreprise siégeant comme en référé en présence de justes motifs (articles 2:60 à 2:69). Cette procédure de résolution des conflits internes repose sur un transfert d’actions entre les actionnaires. Elle se distingue en cela de la démission et de l’exclusion à charge du patrimoine social (cf. supra).